Le test extrajudiciaire d’ADN

Le test extrajudiciaire d’ADN n’est pas décisif pour contester la paternité

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Le test extrajudiciaire d’ADN n’est pas décisif pour contester la paternité

Le Tribunal Européen des Droits de l’Homme (TEDH) a rendu une décision sur l’affaire Bagniewski c. Pologne (demande n°28475/14), relative au rejet de l’action de paternité initiée par un procureur dans l’intérêt de M. Bagniewski, un citoyen polonais. Le demandeur basait notamment sa prétention sur l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) concernant le droit au respect de la vie privée et familiale mais le TEDH a conclu dans sa décision qu’il n’y avait pas eu, en l’espèce,  de violation de l’article précité.   Pour résumer les faits, en septembre 1995, M. Bagniewski se maria avec sa partenaire et, au mois de février 1997, ils eurent un enfant pour lequel le demandeur est inscrit en tant que père sur le registre civil. Après quelques années, le couple divorça et le requérant commença à douter de sa paternité par rapport à l’enfant, et exigea donc un test extrajudiciaire d’ADN (empreinte digitale d’ADN) avec ses propres échantillons biologiques et ceux de l’enfant. Les résultats du test établirent une absence de lien biologique entre les donneurs d’échantillon. Dans ce contexte, le demandeur sollicita le procureur qu’il présente, en son nom, une action de contestation de paternité. A l’issue du procès, le Tribunal de première instance ordonna la réalisation d’un test ADN auquel l’enfant et la mère refusèrent de se soumettre et le tribunal considéra en conséquence que M. Bagniewski n’était pas le père de l’enfant. La mère de l’enfant interjeta appel et le Tribunal Régional de Bydgoszcz estima sa requête et écarta l’action de M. Bagniewski quant à la contestation de sa paternité, considérant que la preuve d’ADN extrajudiciaire litigieuse ne saurait être regardée comme étant une décisive dans le contexte de cette procédure. Le TEDH a précisé, outre le fait que le tribunal de seconde instance ait motivé sa décision d’une manière détaillée et convaincante, qu’il a tenu compte de toutes les circonstances et a correctement équilibré les intérêts en jeux, à savoir, celui du demandeur et celui de l’enfant. Par conséquent, il considère que le tribunal national a correctement exercé ses pouvoirs afin d’évaluer les faits pertinents. La Cour observe que le droit interne ne prévoit aucune mesure qui contraindrait l’enfant à se soumettre à des tests ADN. Selon celle-ci, cet élément est d’une importance cruciale pour équilibrer les intérêts en jeu. Le TEDH est conscient que l’apparition des test ADN et la possibilité que n’importe quel plaideur s’y soumette constitue une évolution au niveau juridique, en ce qu’elles permettent d’établir avec certitude l’existence ou, dans le cas contraire, l’absence de liens entre différents individus. Cela étant dit, il rappelle qu’il a précédemment établi que la nécessité de protéger les tiers puisse impliquer l’exclusion de la possibilité de les contraindre à réaliser toute analyse médicale, incluant les tests ADN. Ce d’autant plus lorsque, comme dans le cas présent, le tiers en question est un enfant disposant d’un héritage légitime depuis un certain temps. Le Tribunal ne voit donc rien d’arbitraire ni de disproportionné dans la décision de l’instance juridique nationale, qui donne plus de poids à l’intérêt du mineur qu’au possible intérêt du requérant à obtenir la vérification de données biologiques.

En l’espèce, l’absence de toute manifestation du souhait de vérifier sa filiation chez l’enfant, le temps passé durant lequel il a bénéficié de son état civil de manière stable, ainsi que les conséquences patrimoniales qui pouvant résulter d’une action de ce type, jouent à faveur de son intérêt de ne pas être privé de la filiation établie sur la base d’une possible controverse sur la réalité biologique. Obliger l’enfant à se soumettre à un test ADN pourrait dans un tel cas violer son droit au respect de sa vie privée et familiale et également affecter son équilibre émotionnel.

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